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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 155

Le mercredi 1er novembre 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mercredi 1er novembre 2023

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L’aide aux municipalités

L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, la Commission de vérité et réconciliation, présidée par notre ancien collègue Murray Sinclair, a eu un impact déterminant sur notre compréhension des torts historiques commis à l’encontre des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Au palier municipal, les élus reconnaissent l’importance de la démarche et souhaitent aussi y participer. Notre potentiel, en tant que pays, ville ou même individus ne se réalisera qu’en traçant une nouvelle voie avec les peuples autochtones, fondée sur l’empathie, le respect et une compréhension honnête de l’histoire.

La Fédération canadienne des municipalités a répondu aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation en publiant un outil conçu pour accompagner les villes sur le chemin de la réconciliation et soutenir le gouvernement fédéral dans la reconstruction des relations de nation à nation.

Depuis, plusieurs initiatives ont vu le jour. Je pense par exemple à la Ville de Montréal, qui offre de la formation à ses employés sur la culture autochtone, qui s’est dotée d’une commissaire aux relations avec les peuples autochtones et qui finance des organismes communautaires visant à améliorer la qualité de vie des Autochtones.

Soulignons aussi la troisième édition du Grand Rassemblement des peuples autochtones et des municipalités du Québec qui s’est tenu à Gatineau cette année, afin de favoriser la réconciliation et la compréhension mutuelle.

Les communautés de petite taille posent aussi des gestes à la mesure de leurs ressources. Par exemple, cette année, sur la Côte‑Nord, se tenait le quatrième Cercle économique régional des Premières Nations et du Québec. On a ainsi tenté de favoriser le maillage entre les entreprises autochtones et allochtones afin de favoriser le développement économique de la région.

Certains parlent de la réconciliation par l’économie. Il y aurait sans doute moyen pour le gouvernement fédéral d’appuyer les municipalités qui cherchent à faire un pas supplémentaire sur le chemin de la réconciliation. Le gouvernement fédéral a récemment mis sur pied un fonds visant à récompenser les municipalités qui assouplissent leur réglementation afin de favoriser la densification douce.

De la même façon, pourquoi ne pas appuyer techniquement et financièrement les municipalités qui veulent agir et se doter d’un cadre favorisant une démarche de vérité et de réconciliation? Les villes et les municipalités sont prêtes à travailler pour favoriser la réconciliation. Le gouvernement fédéral aurait intérêt à établir un véritable partenariat avec elles, car c’est souvent au niveau local que se règlent les grands enjeux globaux.

Merci.

Rose Cathy Handy

L’honorable Amina Gerba : Honorables sénateurs, j’ai eu le privilège de prendre la parole, samedi dernier, au Black Pearls Gala 2023, un événement qui célèbre annuellement les réalisations de 100 femmes noires s’étant démarquées par leur résilience et l’impact qu’elles ont dans leurs communautés.

Je prends aujourd’hui la parole pour rendre hommage à l’âme derrière cette initiative, une femme battante au parcours très inspirant : Rose Cathy Handy.

Née au Cameroun, elle arrive au Canada en 1993 et amorce alors avec détermination son processus d’intégration en s’impliquant dans plusieurs organisations de façon bénévole. Un événement bouleversera toutefois sa vie. En effet, en 1997, après l’accouchement de son premier enfant, Rose Cathy se retrouve sans abri avec son bébé et se réfugie dans une maison d’hébergement.

Persévérante, Rose Cathy se lance dans l’entrepreneuriat et obtient son premier mandat avec le Collège universitaire Glendon, afin d’organiser une conférence sur les femmes. C’est ainsi qu’elle retrouve son autonomie et un appartement.

Par la suite, elle fonde l’entreprise BilingualLink qui aide les nouveaux arrivants à mieux comprendre le marché du travail canadien et à améliorer leurs perspectives d’embauche. En 1999, BilingualLink sera la première à organiser une foire de l’emploi bilingue à Toronto.

Finalement, Rose Cathy crée le Canada International Black Women Excellence dont l’événement phare, le Black Pearls Gala, célèbre les 100 femmes noires s’étant démarquées et les progrès qu’elles ont réalisés au Canada et au-delà.

D’immigrante sans abri à chef d’entreprise rassembleuse, Rose Cathy Handy est un exemple d’intégration pour les nouveaux arrivants et un modèle de résilience pour les femmes issues de la diversité ethnoculturelle.

Merci.

[Traduction]

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Donald Kennedy, le mari de l’honorable sénatrice Hartling.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le Mois de la sensibilisation au diabète

L’honorable Nancy J. Hartling : Honorables sénateurs, novembre est le mois de la sensibilisation au diabète. Comme beaucoup d’entre vous le savent, cette maladie me tient à cœur, car mon petit-fils est atteint de diabète de type 1. Certains d’entre vous ont rencontré mon petit-fils Max lorsqu’il m’a rendu visite cette année au Sénat, avec ses parents Marc et Jody, de la Colombie-Britannique.

[Traduction]

Max est un garçon enthousiaste de 11 ans qui a appris avec ses parents à gérer sa maladie. Les mentors sont particulièrement importants pour les enfants atteints de diabète de type 1, c’est pourquoi ce fut pour Max un véritable plaisir de rencontrer Tareq Winski, l’un des anciens pages du Sénat, qui est également atteint de diabète de type 1. Ils ont eu une conversation très profonde sur de nombreux aspects de la vie avec le diabète de type 1.

M. Winski a encouragé Max à participer aux D-Camps, un programme de camps d’été spécialement conçu pour les enfants atteints de diabète de type 1. Cela a incité Max à participer aux D‑Camps en Alberta cet été. Il existe de nombreux camps de ce genre dans tout le Canada. Max m’a dit que c’était la meilleure expérience puisque tous les enfants y sont atteints de diabète de type 1. Il m’a dit : « Grand-maman, c’était tellement amusant et je n’ai pas pensé une seule fois à mon diabète! »

Le diabète ne disparaît pas quand on cesse d’y penser. Bien que Max ait appris à gérer sa maladie, comme c’est le cas de tous ses pairs diabétiques, cela peut être un travail à temps plein sans vacances et un remède serait le plus beau des cadeaux qu’on puisse donner aux enfants comme Max.

Chers collègues, je suis très fière de dire que le Canada a toujours été un chef de file dans la recherche sur le diabète. Allant de la mise au point de l’insuline il y a 100 ans aux traitements d’aujourd’hui qui utilisent des cellules souches, le Canada est demeuré à la pointe de la recherche d’un remède. Nous jouissons d’un système de santé robuste et d’institutions de recherche de classe mondiale qui attirent les scientifiques les plus talentueux. En outre, des organisations comme la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile travaillent sans relâche pour que la recherche d’un remède demeure une priorité au Canada.

[Français]

Je voudrais vous inviter à assister à un événement spécial le mardi 7 novembre au Centre national des Arts pour la projection du film The Human Trial. Ce film documentaire est produit par les cinéastes Lisa Hepner et Guy Mossman, originaires d’Ottawa.

[Traduction]

Le film porte sur un traitement révolutionnaire à base de cellules souches destiné aux diabétiques. Il pourrait complètement transformer la vie des personnes insulinodépendantes. Ce documentaire met à l’avant-plan une percée scientifique et montre ce à quoi peut mener une collaboration public-privé lorsque la recherche en sciences de la santé bénéficie d’un financement stable.

L’événement est organisé par la radiodiffuseure Catherine Clark et comprendra une discussion avec un groupe d’éminents chercheurs spécialisés dans le diabète. Les discussions seront animées par André Picard, journaliste et chroniqueur spécialisé en santé au The Globe and Mail. J’espère vous voir à la projection le 7 novembre à 18 heures. Pendant le Mois de la sensibilisation au diabète, attelons-nous à la tâche pour que le diabète de type 1 puisse être éradiqué. Merci.

(1410)

Les clubs 4-H du Canada

Félicitations à l’occasion de leur cent dixième anniversaire

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, j’interviens pour souligner que c’est aujourd’hui le 110e anniversaire des clubs 4-H du Canada ainsi que le Jour du réseau mondial des clubs 4-H. C’est également la journée Arborez vos couleurs 4-H, la principale célébration annuelle de l’organisme au Canada. Chaque année, en novembre, la communauté 4-H se réunit pour célébrer ses réalisations et l’incidence positive qu’elle a eue au Canada et dans le monde entier. Cette campagne d’un mois témoigne de la formidable contribution que font les jeunes des clubs 4-H dans leurs collectivités et de la transformation que le programme des 4‑H favorise en formant des jeunes gens responsables, compatissants et engagés.

Je ne peux m’empêcher de réfléchir à mon cheminement de plus de 50 ans avec cet organisme qui propose un programme formidable. Je suis fier d’être un ancien membre et un ancien employé aux échelons provincial et national et d’avoir eu le privilège de présider le Conseil des 4-H du Canada. Par surcroît, j’ai l’honneur d’avoir été nommé membre honoraire à vie des 4‑H du Canada. C’est avec une profonde gratitude que j’affirme que le programme des 4-H constitue le fondement qui a orienté ma trajectoire de vie et qui m’a finalement amené à siéger au Sénat du Canada.

On ne soulignera jamais assez l’incidence positive des 4-H sur les jeunes Canadiens. Depuis plus d’un siècle, ces clubs offrent aux jeunes l’occasion unique d’acquérir des compétences essentielles dans la vie qui vont au-delà de l’éducation traditionnelle. Grâce à des projets pratiques, au développement du leadership et à l’engagement communautaire, les 4-H permettent à nos jeunes de devenir des citoyens actifs et responsables. Ils leur inculquent le sens du travail, leur apprennent le dévouement et leur font comprendre l’importance de redonner à la communauté. Alors que nous nous tournons vers l’avenir, le rôle déterminant que des organismes comme les 4-H jouent dans la formation de leaders responsables et bienveillants devient encore plus évident.

Notre monde doit composer avec toutes sortes de défis complexes, et les compétences en leadership et en résolution de problèmes inculquées par les 4-H sont exactement ce dont notre société a besoin. Les 4-H encouragent la résilience, la compassion et l’engagement, des qualités essentielles pour aborder des questions comme la durabilité environnementale, la justice sociale et le développement économique.

La journée Arborez vos couleurs 4-H n’est pas un simple événement. C’est une célébration des effets positifs qu’ont les 4‑H dans nos collectivités, une reconnaissance des efforts et du dévouement d’innombrables jeunes Canadiens qui se sont engagés à changer les choses. C’est aussi un rappel du potentiel qui réside dans chaque jeune esprit.

Je tiens à exprimer ma sincère gratitude aux 4-H du Canada pour l’influence profonde qu’ils ont eue sur ma vie et sur celle d’innombrables autres personnes. Chers collègues, joignez-vous à moi un instant pour reconnaître et célébrer le pouvoir de transformation des 4-H et le potentiel prometteur qu’ils représentent pour notre nation, en prononçant leur promesse.

Je promets

d’employer ma tête pour des idées hardies,

mon cœur pour être plus humain,

mes mains pour être plus habile,

ma santé pour vivre en harmonie

pour mon cercle, ma communauté et mon pays.

Merci.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le Mois de la sensibilisation au TDAH

L’honorable Sharon Burey : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour mettre en lumière les problèmes qui touchent des millions de Canadiens et attirer votre attention sur le fait qu’octobre était le Mois de la sensibilisation au trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), aux troubles d’apprentissage et à la dyslexie.

[Traduction]

Mes remarques porteront sur les coûts pour la société canadienne et mettront en lumière quelques efforts récents visant à améliorer la littératie chez les enfants au Canada.

Même si le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, ou TDAH, et les troubles d’apprentissage comme la dyslexie — qui apparaissent souvent ensemble — sont très héréditaires, nous savons que les personnes racialisées et marginalisées et celles qui sont aux prises avec des conditions sociales défavorables s’en tirent souvent moins bien. L’éducation est un déterminant social de la santé générale et économique. Par conséquent, si notre pays tient vraiment à réduire les coûts liés aux soins de santé, accroître la productivité et améliorer la santé des gens tout au long de leur vie, cet enjeu mérite notre attention pleine et entière. Selon le Centre de sensibilisation au TDAH Canada, le TDAH coûte environ 7 milliards de dollars à la société canadienne par année.

Le Collège Frontière, un organisme national de bienfaisance qui se consacre à l’alphabétisation, a rapporté ceci en 2021 :

Des études démontrent que l’amélioration du niveau d’alphabétisme de la main-d’œuvre d’un pays se traduit par une augmentation tant du produit intérieur brut (PIB) que de la productivité. En effet, les scores d’alphabétisation représentent un meilleur indicateur de la croissance à long terme des pays membres de l’OCDE que le niveau d’études. L’augmentation du niveau d’alphabétisme de 1 % [en moyenne] se traduirait, au fil du temps, par une augmentation de 3 % du PIB, ou de 54 milliards de dollars, par année, et par une augmentation de 5 % de la productivité.

En 2019, la Commission ontarienne des droits de la personne a lancé une enquête publique intitulée « Le droit de lire ». Le ministère de l’Éducation a adopté la plupart des principales recommandations, et la littératie structurée fondée sur la science et des données probantes fait maintenant partie du curriculum de l’Ontario dans toutes les écoles de l’Ontario.

Selon un rapport de la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan publié en 2023 et intitulé Une éducation équitable pour les élèves ayant des troubles d’apprentissage de la lecture, les résultats de lecture à l’échelle provinciale indiquent que 25 % de tous les élèves et 45 % des élèves identifiés comme étant membres des Premières Nations, Métis et Inuits — ce qui est renversant — ne satisfaisaient pas aux normes provinciales en matière de lecture. En conclusion, chers collègues, il est à espérer que ce rapport entraînera des changements systémiques dans les programmes d’alphabétisation et de langue dans les écoles de la Saskatchewan. Nos enfants et nos familles comptent sur nous. Merci.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des participants à la Journée Invitons nos jeunes au travail.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 7 novembre 2023, à 14 heures.

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, la période des questions commencera à 14 h 30 aujourd’hui.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Downe, appuyée par l’honorable sénateur Black, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois.

L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois.

(1420)

Ce projet de loi vise à protéger les Canadiens des menaces du blanchiment d’argent et du financement d’activités terroristes, à décourager l’évasion et l’évitement fiscaux ainsi qu’à préserver la réputation du Canada en tant que destination propice pour les affaires. Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement propose d’instaurer un registre de la propriété effective accessible au public pour les entreprises régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Les experts estiment que ce projet de loi découragera considérablement le blanchiment d’argent au pays. Sur la scène internationale, le Canada a acquis, auprès des organismes qui luttent contre la corruption et notamment auprès des facilitateurs et des criminels, la réputation d’être la destination idéale pour le blanchiment à la neige. Selon un rapport de 2020 du Service canadien du renseignement de sécurité, on estime qu’à l’heure actuelle, de 45 à 113 milliards de dollars sont blanchis au Canada chaque année.

Le projet de loi C-42 chassera cette image et dissuadera les criminels qui souhaitent exploiter les entreprises régies par la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Les groupes criminels transnationaux devront revoir leur structure d’actionnariat ou leurs stratégies avant d’infiltrer l’économie canadienne. Nous devons stopper ceux qui cherchent à exploiter le Canada pour dissimuler leurs activités criminelles.

Le registre de la propriété effective accessible au public proposé dans le projet de loi C-42 est conforme aux pratiques des autres pays du G20 et du Groupe des cinq. Comme l’ont indiqué les experts au comité, si le Canada adopte ce projet de loi, il fera des progrès considérables sur la scène internationale au chapitre de la réglementation de la propriété effective.

D’autres pays ont déjà pris des mesures semblables. Au sein du Groupe des cinq, en se dotant d’un tel registre, le Canada serait sur un pied d’égalité avec le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande, qui ont tous deux mis en place des registres publics semblables. Par ailleurs, l’Australie s’est également engagée à créer un registre public. Le fait de se doter d’un registre public mettrait le Canada sur un pied d’égalité avec ses alliés, et permettrait d’assurer l’interopérabilité de ces registres.

Le projet de loi C-42 est absolument essentiel pour lutter efficacement contre les activités financières illicites dans le monde entier. Toutefois, la mise en œuvre d’un tel système soulève certaines questions.

Premièrement, la divulgation publique de renseignements sur un particulier peut poser problème sur le plan de la protection de la vie privée et du droit à la sécurité personnelle. Lors de mon intervention précédente, j’ai fait remarquer que cette question devait être étudiée en comité. De fait, c’est ce qui a conduit la Cour de justice de l’Union européenne à invalider, en 2022, un registre public similaire en Europe. Cela met en évidence les implications qu’un registre public peut avoir sur les droits des propriétaires bénéficiaires et l’importance de parvenir à un juste équilibre entre le droit du public à l’information et la protection des renseignements personnels.

Deuxièmement, l’interopérabilité à l’échelle internationale est importante pour déceler les structures complexes utilisées par les criminels. Cependant, nous devons nous assurer que le registre est véritablement pancanadien et qu’il comprend les sociétés constituées en vertu d’une loi provinciale ou territoriale. Si les provinces et les territoires ne sont pas inclus, les mauvais acteurs pourront se constituer en société en vertu de leurs lois et échapper complètement au registre national proposé.

À l’heure actuelle, il ne semble pas y avoir d’accord conclu avec les provinces ou les territoires pour qu’ils adhèrent au nouveau système ou pour permettre aux sociétés constituées en vertu d’une loi provinciale ou territoriale de transmettre les données relatives à la propriété bénéficiaire directement au registre fédéral. Les ministres Champagne et Freeland ont écrit à leurs homologues provinciaux et territoriaux pour les exhorter à participer au système. Toutefois, je n’ai pas connaissance que les provinces ou les territoires aient confirmé leur participation.

Le projet de loi C-42 représente une étape cruciale pour assurer l’intégrité de notre système financier et protéger notre pays contre l’utilisation abusive de structures d’entreprise à des fins illicites. Grâce à ce projet de loi, le Canada pourra s’harmoniser davantage avec les normes mondiales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et la corruption.

Nous appuierons le projet de loi à l’étape de la troisième lecture. Merci.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le ministre est arrivé. Nous allons suspendre la séance jusqu’à ce qu’il soit assis.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, comme il est maintenant 14 h 30, le Sénat doit passer à la période des questions. Le ministre a pris place, alors nous allons poursuivre.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 7 décembre 2021, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, nous accueillons l’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale, pour la période des questions aujourd’hui. Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue.

Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler que lors de la période des questions avec un ministre, la question initiale est limitée à 60 secondes, et la réponse initiale à 90 secondes, suivie d’une question supplémentaire d’une durée maximale de 45 secondes et d’une réponse de 45 secondes. La greffière lectrice se lèvera 10 secondes avant l’échéance de ces délais. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, les sénateurs ne sont pas tenus de se lever. La période des questions sera d’une durée de 64 minutes.

(1430)

[Traduction]

Le ministère de la Défense nationale

Les propos du ministre

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Bienvenue, monsieur le ministre.

Monsieur le ministre, vers 22 heures le samedi 21 octobre, vous avez publié une déclaration indiquant que le gouvernement du Canada ne croyait pas qu’Israël avait frappé un hôpital à Gaza plus tôt cette semaine-là. Après que les médias eurent accusé Israël d’avoir attaqué l’hôpital, le premier ministre Trudeau a veillé à ce que son empressement à porter un jugement soit révélé au grand jour, devant des journalistes. Le moment où il a fait ses commentaires laissait entendre qu’il croyait qu’Israël était responsable, ce qui, bien sûr, est l’histoire répandue par le Hamas.

Après votre déclaration, monsieur le ministre — et nous sommes nombreux ici à être d’accord avec votre déclaration de ce soir-là —, le premier ministre a passé des jours sans dire un mot à ce sujet. Pourquoi?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Je vous remercie de votre question, sénateur Plett. Je vous remercie également, mesdames et messieurs, de m’accorder le privilège de comparaître devant vous aujourd’hui.

À la suite de la terrible attaque et de l’assassinat de personnes innocentes le 7 octobre dernier, il y a eu, à très juste titre, une réaction. Je pense que nous avons très clairement indiqué la position du gouvernement en ce qui concerne le droit d’Israël de se défendre. À la suite de l’attentat à la bombe perpétré contre l’hôpital à Gaza, les questions étaient nombreuses et, à mon avis, beaucoup d’informations erronées ont circulé sur les événements.

J’ai rencontré mes collaborateurs au sein du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. Je leur ai demandé d’examiner minutieusement les données balistiques relatives à l’attentat et la trajectoire des munitions. Ils ont examiné l’information de sources ouvertes ainsi que les documents classifiés qui étaient à notre disposition. Ensuite, le samedi après-midi en question, j’ai eu un entretien avec le premier ministre afin de le renseigner sur nos conclusions. C’est après avoir mis le premier ministre au courant que j’ai fait une déclaration publique.

Monsieur le sénateur, avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d’accord avec votre interprétation. Je pense que le premier ministre a réagi de manière très compréhensible dans le contexte de l’explosion qui a fait d’innocentes victimes à cet hôpital.

Le sénateur Plett : En fait, vous avez été très clair, monsieur le ministre. Je vous en remercie.

La ministre des Affaires étrangères n’a toujours pas retiré sa déclaration sur le bombardement de l’hôpital de Gaza, qu’elle a publiée alors que les médias rapportaient que le Hamas rejetait la responsabilité sur Israël. J’aurais espéré que la ministre Joly soit au courant des conclusions de son gouvernement et de votre déclaration.

Monsieur le ministre, pourquoi pensez-vous qu’elle n’est toujours pas revenue sur sa déclaration? Elle a eu 12 jours pour le faire. Elle choisit délibérément de ne pas supprimer la publication, n’est-ce pas, monsieur le ministre?

M. Blair : Encore une fois, sénateur, je crois que le gouvernement a été très clair. Au nom du gouvernement, j’ai rendu public le rapport que m’ont remis les Forces armées canadiennes, qui contenait leur analyse et notre conclusion selon laquelle nous pouvions affirmer avec une grande confiance que le missile ne venait pas d’Israël. Nous avons déclaré que la cause la plus probable de cette explosion était un missile errant tiré du côté de Gaza. J’ai fait cette déclaration au nom du gouvernement du Canada. J’espère que les Canadiens prendront ce rapport, qui était indépendant, objectif et — je crois — équilibré et d’une source crédible — les Forces armées canadiennes — comme conclusion de ce que...

Son Honneur la Présidente : Merci, monsieur le ministre.

L’examen de la politique de défense

L’honorable Elizabeth Marshall : Monsieur le ministre, bienvenue au Sénat du Canada.

Peu de temps après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, on a annoncé aux Canadiens qu’il y aurait un examen d’urgence de la politique de défense du gouvernement intitulée Protection, Sécurité, Engagement. On prévoyait que la politique mise à jour serait présentée l’été dernier, mais nous l’attendons toujours. En septembre, les médias rapportaient que la nouvelle mouture de la politique avait été renvoyée à la Défense nationale en vue de nouvelles modifications.

Monsieur le ministre, pourquoi la mise à jour de la politique de défense prend-elle autant de temps? Qu’est-ce qui cause ce retard?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Je vous remercie, sénatrice Marshall.

Je soulignerais, madame la sénatrice, que j’ai été nommé à ce ministère récemment. Bien que je collabore étroitement avec ma prédécesseure, la ministre Anand — une collaboration qui se poursuit —, j’ai entrepris un examen complet lorsque j’ai été nommé ministre de la Défense nationale. J’avais déjà vu une partie de la planification concernant la mise à jour de la politique de défense du Canada nommée Protection, Sécurité, Engagement, mais je jouais alors un rôle différent, celui de président du comité de la sécurité au Cabinet. Depuis ma nomination, je collabore de très près avec le ministère de la Défense nationale, le Conseil du Trésor et le gouvernement afin de déterminer la voie à suivre. Les circonstances ont quelque peu évolué. À cela s’ajoutent de vastes consultations menées non seulement auprès des Forces armées canadiennes, mais aussi auprès de l’industrie. En effet, j’ai aussi tenu des rencontres avec des représentants de l’industrie parce que, à bien des égards, la mise à jour de la politique de défense est aussi une politique industrielle — il ne s’agit pas seulement d’une politique de défense, selon moi.

Je sais qu’il est important de présenter la mise à jour de cette politique. Nous y travaillons très assidûment, et j’espère avoir de bonnes nouvelles à ce sujet dans un avenir assez rapproché.

La sénatrice Marshall : Le 8 mars — il y a donc huit mois —, des fonctionnaires de votre ministère ont dit au Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel je siège, que la politique mise à jour serait rendue publique très bientôt. C’est ce qu’on nous a dit : « Très bientôt. » Cependant, nous l’attendons toujours. Le directeur parlementaire du budget a également signalé que le gouvernement Trudeau a sous-financé le plan d’investissement en immobilisations qui accompagne la politique Protection, Sécurité, Engagement.

Vous engagez-vous à publier la politique de défense mise à jour et le plan d’investissement en immobilisations avant la fin de 2023?

M. Blair : J’ai l’intention de terminer ce travail et d’en rendre les résultats publics le plus tôt possible. Je comprends que les Forces armées canadiennes, le ministère de la Défense nationale, les Canadiens et l’industrie canadienne ont besoin de la certitude et de la clarté que procurera la publication de cette politique. Je suis déterminé à la publier le plus rapidement possible. Malheureusement, sénatrice Marshall, je ne saurais prendre d’engagement qu’il me serait impossible de respecter. Je ne peux donc pas vous donner de date précise. Cependant, je tiens à vous dire que je comprends l’urgence de terminer ce travail et que je veillerai à ce qu’il soit fait le plus rapidement possible.

Les niveaux de recrutement

L’honorable Tony Loffreda : Monsieur le ministre, je vous remercie d’être des nôtres aujourd’hui.

Nous devrions tous être fiers des accomplissements du Canada sur le plan militaire et en ce qui a trait au maintien de la paix. J’ai moi-même ressenti beaucoup de fierté, l’été dernier, lorsque je me suis joint à des centaines de volontaires, de militaires et d’alliés lors de la marche du souvenir pour la paix organisée à l’occasion du 80e anniversaire de l’opération Husky. Cette riche histoire mérite d’être célébrée, et je crois que les commémorations de cette nature sont une excellente façon d’inspirer un sentiment de fierté chez nos concitoyens.

Ne croyez-vous pas que de tels événements peuvent aussi servir d’outil de recrutement pour les forces armées? Pourriez-vous nous parler, de façon générale, des efforts de recrutement qui sont déployés par les Forces armées canadiennes et de ce que fait le ministère pour moderniser le processus de recrutement de manière à simplifier et à accélérer le processus de traitement des candidatures?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Merci beaucoup, monsieur le sénateur.

Je tiens d’abord à revenir sur vos premières observations. Je pense que les activités commémoratives de la sorte sont importantes. Il importe de rendre hommage à notre histoire. Les Forces armées canadiennes ont une longue et fière tradition, que l’on pense au travail incroyable qu’elles ont fait ou au service et au sacrifice de leurs membres. Cette histoire doit non seulement être commémorée, mais elle peut également servir de puissant incitatif amenant les jeunes — les gens talentueux dont nous avons besoin dans les Forces armées canadiennes — à envisager de faire une carrière militaire. À mon avis, c’est une profession noble qui est source d’une grande fierté, et nous devons en faire la promotion.

Comme vous le savez sans doute, monsieur, les Forces armées canadiennes se trouvent face à un défi de taille. Depuis trois ans, le taux d’attrition est à la hausse, c’est-à-dire qu’il y a plus de départs que d’arrivées au sein des Forces armées canadiennes. C’est peut‑être le plus grand défi que je dois relever en tant que nouveau ministre de la Défense : faire tout en mon pouvoir pour appuyer les efforts des Forces armées canadiennes visant à recruter les gens talentueux dont nous avons besoin et — ce qui est tout aussi important — à garder les excellents membres qui en font partie. J’ai demandé qu’on examine très attentivement certains des obstacles au recrutement et les délais pour les différentes étapes, comme les vérifications des antécédents, par exemple.

Je vais vous donner un exemple. L’année dernière, soit en décembre 2022, ma prédécesseure a annoncé que nous allions ouvrir le processus de recrutement des Forces armées canadiennes aux résidents permanents du Canada. Je pense que c’est une initiative très judicieuse et nécessaire. Cependant, nous n’avons pas vu de hausse considérable du nombre de candidats. Près de 12 000 personnes ont manifesté leur intérêt. Nous devons accélérer les processus de recrutement et d’intégration.

(1440)

Le sénateur Loffreda : Dans une lettre à votre personnel datée du 27 juillet, vous vous êtes engagé à amorcer un véritable changement de culture pour que les militaires se sentent suffisamment protégés, respectés et outillés pour servir leur pays. Au-delà des événements commémoratifs et de la modernisation du processus de recrutement, je crois que les chances de réussite en ce qui a trait au recrutement et au maintien en poste dans les forces armées dépendent en grande partie de ce changement de culture. Pouvez-vous nous parler de vos efforts à cet égard et plus précisément des mesures que vous avez prises pour accroître la diversité au sein des Forces armées canadiennes?

M. Blair : Merci beaucoup, sénateur. Cette question mérite que l’on y consacre beaucoup plus de temps que celui dont je dispose ici. Permettez-moi de vous dire qu’il est important de changer de la culture et de veiller à ce que les Forces armées canadiennes fournissent un milieu de travail inclusif, respectueux et sécuritaire à tous ses membres.

La diversité est une priorité pour moi, et nous prenons des mesures importantes. Je travaille en étroite collaboration avec la contrôleuse externe — j’ai eu une réunion d’une heure avec elle ce matin — et je me suis entretenu avec Mme Arbour au sujet de la mise en œuvre de ses 48 recommandations. Je tiens également à vous assurer que le chef d’état-major de la Défense et son équipe, dans mon travail avec eux, se sont montrés résolus et déterminés à changer la culture et à créer un milieu de travail inclusif, respectueux et sécuritaire pour tous les membres de leur service. Nous avons encore beaucoup à dire à ce sujet.

La souveraineté dans l’Arctique

L’honorable Pat Duncan : Plus tôt cette année, un corps étranger est entré dans l’espace aérien canadien au-dessus du Yukon. Cette expérience a mis de nouveau en évidence notre dépendance à l’égard des Alaskiens et des Rangers canadiens, qui ont une présence active dans toutes les collectivités du Yukon. L’engagement du Canada à l’égard de la sécurité de l’Arctique dans le Nord est axé sur l’augmentation du financement du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, ou NORAD, de la Défense nationale et des ressources humaines de la Force opérationnelle interarmées du Nord, à Yellowknife. Trois membres des Forces armées canadiennes sont postés au camp de cadets du casernement Boyle, à Whitehorse, au Yukon.

En février, j’ai écrit à votre prédécesseure pour lui demander d’installer un bureau dans un lieu central afin d’accroître la visibilité de votre ministère et de le rendre plus apte à répondre de manière exhaustive, au besoin. Je n’ai pas encore obtenu de réponse. Monsieur le ministre, êtes-vous conscient de la présence minimale du ministère au Yukon? Que fait le ministère, le cas échéant, pour accroître sa présence et ses capacités dans ce territoire?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Merci beaucoup, monsieur le sénateur. C’est une question très importante. Les Forces armées canadiennes et le ministre de la Défense nationale ont beaucoup de priorités en ce moment, mais aucune ne surpasse selon moi le travail important que nous faisons pour maintenir la souveraineté dans l’Arctique et les investissements que nous devons faire dans le Nord.

Comme vous l’avez souligné à juste titre, nous nous sommes engagés à investir 38,6 milliards de dollars dans la modernisation du NORAD, mais une partie très importante de cette somme — une partie sera consacrée à des investissements dans le radar transhorizon et d’autres choses — comprendra un contrat de 122 millions de dollars visant à renforcer les Forces canadiennes à Alert. Ce financement couvre également l’achat de navires de patrouille extracôtiers, dont quatre sur six ont été livrés et sont disponibles pour patrouiller. J’ai récemment rencontré Duane Smith, de la région de l’Inuit Nunangat. Ces conversations sont également très importantes.

Dans le cadre de notre engagement à dépenser 38,6 milliards de dollars pour la modernisation du NORAD, il y a aussi un engagement à l’égard de l’approvisionnement auprès d’entreprises autochtones, qui pourrait atteindre 5 % de ce financement. Je suis allé au Yukon et j’ai parlé au gouvernement territorial et aux gouvernements des Premières Nations et des Inuits de la souveraineté dans l’Arctique et du travail des Forces armées canadiennes dans leur région, et ils ont dit clairement que pour eux, la souveraineté, c’est investir dans les aéroports, les autoroutes et les infrastructures. Nous sommes déterminés à le faire.

La sénatrice Duncan : Monsieur le ministre, vous avez parlé de deux des trois territoires. Je comprends que les ressources financières et humaines du ministère de la Défense nationale sont utilisées au maximum à cause des catastrophes naturelles et des conflits dans le monde. Néanmoins, s’il était modernisé, le camp du casernement Boyle à Whitehorse pourrait recevoir 400 personnes pendant les mois d’été et plus de 100 pendant l’hiver. Ces installations peuvent servir à la formation militaire et accueillir d’éventuels évacués. Elles peuvent servir l’ensemble des Canadiens si on y consacre de modestes investissements.

Monsieur le ministre, vous engagez-vous à faire un examen exhaustif du dossier et à veiller à ce que vous et votre ministère ayez une meilleure compréhension des ressources qu’offre le camp du casernement Boyle à Whitehorse au Yukon pour en tirer un meilleur parti?

M. Blair : Je me ferai un plaisir de vous rencontrer et de discuter de vos préoccupations et de vos recommandations. Je dois reconnaître qu’il me reste beaucoup à apprendre sur la façon de soutenir les gens du Nord et également sur l’important rôle que joue le Nord dans la défense du Canada.

Avant de prendre des engagements quant à ce que nous devrions faire, je dois en apprendre davantage sur le dossier et je dois consulter les représentants des Forces armées canadiennes pour connaître leurs capacités. Les forces canadiennes sont confrontées à de nombreux enjeux. Avant de m’engager à déployer des gens dans la région, je souhaite consulter les dirigeants des forces armées. Néanmoins, je m’engage avec plaisir à vous rencontrer et à discuter de vos préoccupations; notre conversation me donnera l’occasion d’en apprendre davantage au sujet de cette importante région.

Le soutien à l’Ukraine

L’honorable Rebecca Patterson : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. Avec tout ce qui se passe dans la sphère géopolitique, nous ne pouvons pas perdre de vue la guerre lancée par la Russie contre l’Ukraine, qui continue de faire rage. Aujourd’hui, ma question porte sur le soutien continu du Canada envers l’Ukraine, plus précisément le don de vêtements et d’équipement que vous avez annoncé le 11 octobre dernier.

Lors de votre annonce, vous avez parlé d’un don de 2 000 uniformes pour les femmes au sein des forces armées ukrainiennes, ce qui répond à un besoin. Cependant, il y a environ 40 000 femmes dans les forces armées ukrainiennes, dont bon nombre sont sur la ligne de front dans cette déchirante guerre d’usure. Ces femmes ont besoin de pouvoir continuer à défendre leur pays. Nous savons que ces femmes doivent composer avec une pénurie d’uniformes ajustés à leur morphologie et d’équipement de protection individuelle adapté à leur genre, comme les gilets pare-balles.

L’expérience de l’armée canadienne au combat a prouvé qu’un équipement adéquat et bien ajusté sauve des vies. Bien franchement, 2 000 uniformes ne sont qu’une goutte dans l’océan de tous les besoins des militaires ukrainiennes. Or, votre annonce ne faisait pas mention d’autres types d’équipement de protection individuelle.

Monsieur le ministre, vous engagez-vous à dialoguer avec vos hauts fonctionnaires et les représentants de l’industrie pour examiner la possibilité d’offrir aux militaires ukrainiennes l’équipement de combat complet dont elles ont désespérément besoin?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Merci, madame la sénatrice. Je demeure absolument déterminé à faire tout ce qui est en notre pouvoir. J’ai rencontré le ministre Umerov, le ministre ukrainien de la Défense, et le président Zelenski trois fois au cours des deux derniers mois. Nous faisons partie du Groupe de contact sur la défense de l’Ukraine et, dans tous les cas, nous leur avons donné ce qu’ils nous ont demandé. L’une des conversations que j’ai eues avec le ministre Umerov portait sur la nécessité de disposer d’équipement hivernal adéquat, car ils savaient qu’ils allaient entamer une campagne hivernale. Nous avons pu intervenir rapidement en fournissant 25 millions de dollars d’équipement hivernal, notamment des uniformes, des sacs de couchage, des tentes et des bottes, ce qui correspond à ce dont ils ont dit avoir besoin.

Nous leur avons également demandé de s’assurer que les uniformes étaient bien ajustés. À cette occasion, nous nous sommes engagés à fournir 2 000 uniformes. Ils en auront besoin de plus, mais le Canada a répondu à un certain nombre de besoins différents. Je tiens également à souligner que, il y a quelques semaines, nous avons annoncé un engagement de 650 millions de dollars pour des véhicules blindés légers. Surtout, les Ukrainiens nous ont dit avoir besoin de véhicules blindés d’évacuation médicale, alors nous les avons également inclus dans cet engagement.

La problème auquel je suis confronté est que les Forces armées canadiennes ont également besoin de cet équipement. Elles ont besoin de ces véhicules blindés légers et de ces investissements. D’une part, je demeure déterminé à soutenir l’Ukraine, et, d’autre part, je dois continuer à soutenir les Forces armées canadiennes.

La sénatrice R. Patterson : Lorsque vous échangez avec les fonctionnaires de votre ministère, avec le ministère et avec les membres des forces armées en Ukraine au sujet d’un équipement approprié pour les femmes militaires, pourriez-vous aussi examiner ce que le Canada pourrait faire à propos d’autres enjeux liés au genre afin que les Ukrainiennes puissent continuer de se battre? Je parle ici de considérations d’ordre militaire dont l’objectif serait de soutenir la santé des femmes sur le terrain. Nous avons de l’expertise dans ce domaine.

M. Blair : En effet, je crois que nous avons une expertise dans ce domaine que nous pourrions partager. Dans le cadre de l’opération Unifier, les Forces armées canadiennes participent depuis 2015 à l’instruction militaire et au soutien des forces armées ukrainiennes. Une partie de cette instruction est directement liée aux succès que les soldats ukrainiens réussissent à obtenir, bien qu’il y ait aussi des défis, dans leur lutte contre l’invasion illégale menée par la Russie. Nous continuons de collaborer de près avec eux. Il existe une solide collaboration entre les Forces armées canadiennes et les forces ukrainiennes. Nous travaillons aussi de très près avec leur ministre de la Défense. Nous avons offert notre expertise dans d’autres domaines et nous continuerons de le faire, car nous y voyons une façon importante de contribuer. Merci.

La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones

L’honorable Pierre J. Dalphond : Bienvenue, monsieur le ministre. En juin, avant que vous ne deveniez ministre de la Défense, le gouvernement a publié un plan d’action élaboré conjointement sur la mise en œuvre des principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Des parties importantes concernent la défense et imposent plusieurs responsabilités à votre ministère. L’une d’entre elles consiste à collaborer avec les organisations inuites établies en vertu d’un traité afin de déterminer conjointement les priorités et les considérations propres aux Inuits qui devront être incluses, dans la mesure du possible, dans les politiques, les programmes et les initiatives de défense nationale. Ces éléments devront être déterminés conjointement par les partenaires dont le centre d’intérêt comprend l’Inuit Nunangat, soit les régions nordiques où vivent traditionnellement les Inuits au Canada. Monsieur le ministre, comment se déroule ce travail? Comment cette consultation constructive se déroule-t-elle et comment forme-t-on le partenariat?

(1450)

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Merci beaucoup, sénateur Dalphond. J’ai d’excellentes nouvelles à ce sujet. Plus tôt cette semaine, j’ai rencontré les organisations inuites établies en vertu d’un traité. Natan Obed et mon collègue le ministre Gary Anandasangaree ont assuré la coprésidence de la rencontre. Un certain nombre de discussions ont eu lieu au sujet de nos engagements liés à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones par rapport aux forces armées. Comme j’en ai parlé plus tôt, j’ai rencontré hier l’équipe d’un des dirigeants autochtones présents à la rencontre plus tôt cette semaine. Nous avons discuté des façons de mettre davantage l’accent sur la collaboration et la consultation dans nos échanges avec les dirigeants inuits, en travaillant avec l’Inuit Nunangat pour remplir nos obligations.

Monsieur le sénateur, je peux vous assurer que nous considérons ce dossier comme extrêmement important, mais tous les investissements doivent être faits en étroite collaboration, au moyen de consultations en bonne et due forme. Nous pouvons donc ainsi bénéficier des connaissances des Inuits sur le territoire, en plus de tirer pleinement avantage de leur présence et de leurs capacités dans la région. Il nous est alors possible d’investir dans ces capacités.

Nous avons aussi discuté du travail important des Rangers canadiens et des raisons pour lesquelles ils représentent un volet primordial de la présence des Forces armées canadiennes dans le Nord. Encore une fois, ce travail doit être fait en étroite collaboration avec les organisations inuites établies en vertu d’un traité, au moyen de consultations.

Le sénateur Dalphond : Merci, monsieur le ministre. Je constate que le travail ne fait que commencer. Est-ce que ce travail reconnaîtra le rôle stratégique et la contribution des Inuits, en leur accordant un accès prioritaire aux marchés publics fédéraux axés sur la défense nationale dans les régions inuites?

M. Blair : Encore une fois, merci, sénateur Dalphond. C’est là une question importante, qui a fait partie des discussions, à la fois lors de la réunion avec les organisations inuites établies en vertu d’un traité et lors de ma rencontre d’hier avec M. Smith. Nous avons parlé, par exemple, d’une partie de l’argent que le gouvernement s’est engagé à consacrer à la modernisation du NORAD et de ce que ces investissements pourraient constituer. Nous avons parlé d’investissements très précis dans le territoire inuit, ainsi que du rôle des Inuits dans ces investissements et de leur participation, par exemple, à l’entretien des installations des Forces armées canadiennes dans la région, et à la construction de ce que nous pourrions appeler une infrastructure polyvalente. Par exemple, une piste d’atterrissage militaire pourrait également être utilisée par la collectivité. Nous avons commencé ces consultations. Je tiens à vous assurer qu’il s’agit bien d’une consultation. Nous n’allons pas nous contenter de leur dire ce que nous faisons.

Le coût de la vie

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Bonjour, monsieur le ministre. Comme d’autres Canadiens, les membres des Forces armées canadiennes souffrent de la crise du coût de la vie qui sévit sous le gouvernement Trudeau. Nous avons appris, dans les dernières semaines seulement, que des militaires canadiens sollicitent des dons pour les aider à composer avec le coût des aliments et du logement. De plus en plus de militaires préfèrent quitter les Forces armées canadiennes plutôt que d’être réaffectés à un endroit où le coût de la vie est trop élevé, où ils perdraient au change sur le marché immobilier actuel et où le coût moyen de location ou d’achat d’un logement dépasse maintenant le revenu des membres Forces armées canadiennes à plusieurs échelons. La crise de l’abordabilité causée par le gouvernement Trudeau nuit-elle aux militaires et à leur disponibilité opérationnelle? On dirait bien que oui.

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Merci beaucoup de votre question. Offrir du soutien aux familles des militaires est l’une des choses les plus importantes que nous devons faire pour améliorer le maintien en poste des talents dont nous disposons et pour recruter de nouveaux membres dans l’organisation.

Je me suis rendu dans les bases et, partout où je vais, j’essaie de passer du temps avec les hommes et les femmes qui y travaillent pour leur donner l’occasion, tout d’abord, de parler du travail dont ils sont si fiers, mais aussi des difficultés auxquelles ils font face. Comme c’est le cas dans de nombreuses régions du pays, les militaires canadiens me disent clairement qu’ils ont de la difficulté à trouver un logement abordable, ce qui devient une véritable priorité. Bien que nous disposions d’un budget de 55 millions de dollars, c’est loin d’être suffisant pour combler un déficit qui, à mon avis, avoisine les 7 000 logements pour les Forces armées canadiennes.

En me rendant dans chacune de ces bases, je rencontre aussi des représentants des municipalités et je travaille avec leurs maires. Je me suis adressé au ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités. Comme vous le savez, le gouvernement investit beaucoup dans l’accélération de la construction de logements partout au pays, et je veux m’assurer qu’il s’attaque aussi au déficit de logements qui touche les militaires canadiens.

De plus, nous avons considérablement investi dans les services de garderie partout au pays. En effet, il s’agit d’un autre défi de taille pour les familles de militaires, et c’est pourquoi nous avons versé des fonds aux provinces, qui ne considèrent pas forcément qu’il est de leur responsabilité de soutenir les membres des forces armées et leurs familles. Je tiens à m’assurer que ces investissements se traduisent par la prestation de ces importants services aux membres des Forces armées canadiennes.

La sénatrice Martin : Par ailleurs, une note d’information des aumôniers militaires rendue publique le mois dernier indique que le coût élevé de la vie, la pénurie de personnel et les modifications apportées à l’indemnité différentielle de vie chère font en sorte que « de nombreux dirigeants et membres des Forces armées canadiennes se sentent plus dévalorisés que jamais de mémoire récente ».

Monsieur le ministre, le gouvernement Trudeau est responsable de cette situation. Quel est votre plan pour corriger la situation, sachant que le moral des membres des forces armées est aussi bas?

M. Blair : L’indemnité différentielle de vie chère est une somme que reçoivent les membres des Forces armées canadiennes afin d’alléger leur fardeau financier et celui de leur famille. Malheureusement, cette indemnité était accordée à tous les membres des forces armées, quel que soit leur grade ou leur revenu, et des changements y ont été apportés récemment afin d’aider davantage ceux dont les revenus sont les plus faibles et qui ont le plus de difficulté à se loger. Conscients que certains de ces changements auraient une incidence directe sur les membres actifs des Forces armées canadiennes, nous avons mis en place une indemnité différentielle afin de continuer à les soutenir au cours des trois prochaines années.

Je crois sincèrement que la véritable solution est d’accroître l’offre de logements. C’est d’ailleurs ce que nous avons commencé à faire, en examinant les possibilités qui s’offrent aux bases de tout le pays, afin d’accroître le nombre de logements abordables et accessibles pour un plus grand nombre de membres des Forces armées canadiennes.

[Français]

Le système d’approvisionnement militaire

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le ministre, bien que nos soldats aient des équipements désuets qui ne garantissent pas leur sécurité de manière optimale, votre ministère laisse des milliards de dollars sur la table chaque année en ne parvenant pas à optimiser le processus d’approvisionnement.

En 2021, des 5 milliards de dollars qui ont été attribués à l’armée canadienne, 1 milliard de dollars est resté sur la table. Selon le directeur parlementaire du budget, si la tendance se maintient, la Défense nationale laissera sur la table pas moins de 4 milliards de dollars des 10,8 milliards de dollars qui lui ont été alloués pour acheter de l’équipement pendant l’exercice 2023-2024.

C’est d’autant plus gênant que nos militaires doivent parfois s’acheter eux-mêmes des équipements. Le Danemark possède et utilise des équipements de pointe fabriqués au Canada, mais nos propres militaires ne sont même pas en mesure de les obtenir.

Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes avez-vous prises pour remédier à cette situation inacceptable?

[Traduction]

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Merci beaucoup, sénateur. La situation ne m’embarrasse pas, mais elle me donne un vif sentiment que j’ai le devoir d’y remédier.

J’ai examiné avec soin les processus d’approvisionnement militaire. Depuis quelques années, ils sont ralentis par un bourbier administratif et prennent trop de temps à aboutir. Le fait est que nous fournissons les fonds nécessaires à l’acquisition du matériel, de l’équipement et des effets dont les militaires ont besoin, mais qu’ils n’arrivent pas à se procurer. J’ai déjà rencontré le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie. Le sous-ministre de la Défense nationale et moi examinons les processus d’approvisionnement pour trouver de moyens de les accélérer. Il est toujours important de dépenser les deniers publics prudemment et de les optimiser, mais j’ai quand même demandé aux fonctionnaires du ministère de commencer à passer ces processus au peigne fin pour trouver des moyens de les accélérer.

J’ai également rencontré des représentants de l’industrie, puisque celle-ci joue un rôle important dans ces processus d’approvisionnement. Nous savons que de nouveaux investissements importants s’imposent, notamment pour la fabrication de munitions, et nous collaborons étroitement avec l’industrie aérospatiale et l’industrie de la construction navale. Nous voulons nous assurer que ces processus fonctionnent pour les Forces armées canadiennes et les Canadiens.

(1500)

[Français]

Le sénateur Carignan : Monsieur le ministre, la situation est d’autant plus gênante que dans un éditorial du Wall Street Journal, le Canada était traité de « passager clandestin de l’OTAN » en raison de ses investissements pitoyables en défense.

Monsieur le ministre, vous êtes le ministre des forces armées, certains humoristes vous appellent même le « ministre des forces désarmées » en raison des investissements pitoyables dans notre défense nationale. En plus d’améliorer l’efficience du système d’approvisionnement, augmenterez-vous le budget de la défense?

[Traduction]

M. Blair : Oui, nous nous souvenons que, il y a une décennie, les dépenses de défense du pays ont chuté à moins de 1 % du PIB. C’est l’une des raisons qui avaient amené le gouvernement à présenter, en 2017, la politique de défense Protection, Sécurité, Engagement, qui prévoyait un financement pour accroître les dépenses de défense de 70 % graduellement d’ici 2026. Or, nous avons constaté que cette augmentation n’était pas suffisante pour donner aux Forces armées canadiennes les capacités nécessaires pour remplir ses engagements envers l’OTAN et le NORAD et d’autres engagements autant au pays qu’à l’internationale.

Nous avons notamment engagé 38,6 milliards de dollars pour la modernisation du NORAD. C’est beaucoup d’argent, sénateur. Il est important de bien choisir les dépenses, mais nous nous y sommes engagés. Nous avons également signé des contrats pour des avions de chasse...

Son Honneur la Présidente : Merci, monsieur le ministre.

La capacité de recherche et de sauvetage

L’honorable Marty Deacon : Bonjour, monsieur le ministre. Merci d’être avec nous cet après-midi. Merci de vos engagements concernant le moral, le recrutement et la culture. Ma question découle d’un rapport sur la souveraineté et la sécurité dans l’Arctique présenté plus tôt cette année par le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Une des recommandations du rapport était que, d’ici le 31 mars 2024, le gouvernement établisse une table ronde permanente sur la recherche et le sauvetage dans l’Arctique composée de représentants des gouvernements fédéral, territoriaux et autochtones, ainsi que d’organisations communautaires et d’entités gouvernementales participant aux activités de recherche et de sauvetage, y compris les Rangers canadiens.

Ma question est la suivante : le gouvernement compte-t-il le faire? Dans la négative, quelles sont les mesures que vous prenez pour garantir l’amélioration des capacités de recherche et de sauvetage dans l’Arctique?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Merci, madame la sénatrice. Je sais qu’au titre de la loi, je suis le représentant du gouvernement chargé des opérations de recherche et de sauvetage au Canada. Cela faisait également partie de mes responsabilités auparavant lorsque j’étais ministre de la Sécurité publique et ministre de la Protection civile. Je reconnais les énormes défis que nous devons relever en ce qui concerne la recherche et le sauvetage, particulièrement dans l’Arctique et dans d’autres régions éloignées du pays.

Cela dit, je suis désolée, madame la sénatrice, mais je ne connais pas la teneur du rapport que vous avez préparé. Néanmoins, je vais en prendre connaissance parce je travaille en étroite collaboration avec nos partenaires territoriaux et provinciaux ainsi qu’avec les Premières Nations et les peuples autochtones d’un bout à l’autre du Canada pour trouver des moyens d’améliorer le système.

Je suis absolument déterminé à ce qu’il y ait le moins possible de recherche dans les opérations de recherche et sauvetage. Certaines technologies peuvent nous aider à faire davantage de sauvetages.

J’ai également rencontré la famille Russell à Terre-Neuve. Ces gens ont perdu leur fils dans une terrible tragédie maritime.

Nous cherchons des façons de mieux investir dans les régions éloignées du pays et à utiliser certaines technologies pour améliorer le taux de succès des opérations. J’ai rencontré des équipes de recherche et de sauvetage partout au pays. Une véritable occasion de faire mieux s’offre à nous. Je suis impatient de prendre connaissance de votre rapport et de m’inspirer des conseils qui y sont fournis.

La sénatrice M. Deacon : Merci. Nous espérons que ce rapport sera examiné et qu’il proposera un bon modèle.

L’une des recommandations était que le gouvernement utilise des mécanismes institutionnalisés nouveaux ou existants pour établir des partenariats avec les Autochtones de l’Arctique et pour obtenir leur avis sur la sécurité et la défense dans la région, et que ces partenariats soient établis conformément aux droits des Autochtones énoncés dans les traités modernes. Quelles mesures le gouvernement a-t-il prises pour inclure les Autochtones dans les plans pour les infrastructures de défense dans l’Arctique annoncés récemment?

M. Blair : Merci, madame la sénatrice. Je tiens à souligner le travail que nous avons effectué en début de semaine dans le cadre d’une rencontre avec le Conseil circumpolaire inuit. Nous nous sommes entretenus directement avec des représentants de haut niveau de tous les gouvernements inuits de la région arctique. Nous nous sommes concentrés sur les investissements que nous réalisons dans cette région. Ils nous ont dit très clairement qu’ils ne veulent pas nécessairement traiter avec nous un ministère à la fois. Ils veulent traiter avec la Couronne. Plusieurs ministres directement concernés par ces investissements et par cette question étaient présents à cette rencontre. Nous nous réunissons trois fois par an pour faire avancer la discussion et, dans le cadre de ces rencontres, nous tenons des consultations sur la façon dont nous pouvons faire ce travail correctement.

La violence faite aux femmes

L’honorable Kim Pate : Bienvenue. Merci d’être avec nous aujourd’hui, ministre Blair. Depuis des décennies, vous le savez, les gouvernements parlent de la nécessité de régler le problème de la violence faite aux femmes pour justifier des projets de loi en matière de justice criminelle qui, trop souvent, visent à rendre les peines plus longues, plus dures et plus punitives. Cette approche n’a pas permis de réduire de façon significative la violence faite aux femmes, y compris dans les forces armées.

Quelles mesures concrètes le gouvernement a-t-il prises pour mettre en œuvre les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, ainsi que les recommandations de la Commission des pertes massives et celles du rapport Arbour sur les inconduites sexuelles dans les forces armées? Qu’entend faire le gouvernement pour cibler les causes sous-jacentes de la violence faite aux femmes? Quel est l’échéancier concernant la mise en œuvre entière de ces recommandations?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Sénatrice, permettez-moi de parler un peu plus en détail des 48 recommandations de la juge Arbour. Nous travaillons en étroite collaboration avec elle. Pour tout dire, il y a quelques semaines, j’ai intégré dans mon équipe une personne qui travaille exclusivement sur la mise en œuvre de ces recommandations.

Bien entendu, nous travaillons également en étroite collaboration avec les Forces armées canadiennes, y compris le chef d’état-major de la Défense et la générale Carignan, qui assume cette responsabilité au sein des Forces armées canadiennes. Je pense que nous avons réalisé des progrès très importants. Par exemple, l’une des recommandations les plus importantes de la juge Arbour visait à ce que les enquêtes sur les agressions sexuelles soient menées par la police de la compétence concernée, et non par la police militaire, et que les auteurs de ces agressions soient ensuite poursuivis, le cas échéant, dans le cadre du système de justice pénale.

À l’aide d’une directive ministérielle, ma prédécesseure a ordonné que tous ces cas soient transférés au système de justice pénale, ce qui a été fait.

Je collabore étroitement à la rédaction d’une nouvelle modification législative qui apportera ce changement et l’institutionnalisera afin de mettre en place de façon permanente la recommandation no 5 de la juge Arbour au sein des Forces armées canadiennes. J’espère pouvoir d’abord présenter ce travail à mon cabinet — je ne peux pas le devancer — et, après l’approbation du cabinet, présenter ensuite un projet de loi à la première occasion. J’espère vivement que ce sera fait avant...

La sénatrice Pate : Vous m’avez devancée et vous connaissez ma question complémentaire. Si la juge Arbour a recommandé le transfert et demandé l’adoption d’une loi, c’est en partie parce que de nombreux services de police civils ont refusé de donner suite aux cas qui leur ont été transmis.

Pouvez-vous nous en dire plus au sujet du type de mesure législative que vous proposez, et comment elle fera en sorte que les services de police civils prennent au sérieux les signalements faits par les militaires?

M. Blair : J’ai discuté avec le procureur général du Canada et le solliciteur général de l’Ontario. Ce dernier m’a affirmé que les services de police de l’Ontario vont mener ces enquêtes. Cela pourrait toutefois poser un problème sur le plan des ressources dans les régions où les policiers sont peu nombreux dans les environs d’une base militaire. J’ai entrepris de travailler avec eux afin de régler ce problème. Je crois aussi, sénatrice, que lorsqu’on modifiera la Loi sur la défense nationale, il faudra préciser qui est responsable de ces enquêtes. Il y a aussi d’autres mesures importantes.

Il sera essentiel de veiller à ce que les victimes d’agression sexuelle et de harcèlement sexuel aient accès à de bons services d’aide aux victimes. De plus, qu’il y ait enquête ou non, je crois qu’il est important de veiller à ce que ces services soient accessibles à tous les membres des forces armées lorsqu’ils...

Son Honneur la Présidente : Merci, monsieur le ministre.

Les soins de santé pour les familles de militaires

L’honorable Percy E. Downe : Merci, monsieur le ministre. Il manque 16 000 militaires dans les Forces armées canadiennes. Les difficultés liées au recrutement et au maintien en service n’ont jamais été aussi grandes. Les considérations familiales sont importantes pour de nombreux militaires. Des membres des Forces armées canadiennes ont communiqué avec moi parce qu’ils craignent qu’il soit pratiquement impossible, compte tenu de la crise actuelle d’accessibilité aux soins de santé au Canada, d’obtenir du soutien médical pour les membres de leur famille immédiate lorsqu’ils sont affectés à un nouvel endroit au Canada.

(1510)

Comme vous le savez, les militaires ont accès à du personnel médical militaire, y compris des médecins et des infirmières, mais pas les membres de leur famille. Par conséquent, lorsqu’ils sont affectés à un nouvel endroit, ils continuent de recevoir des soins médicaux de qualité, mais les membres de leur famille doivent s’inscrire sur une liste d’attente pour un médecin de famille qui, dans de nombreuses provinces, peut comprendre des milliers de noms. Par exemple, la liste d’attente pour un médecin de famille à l’Île-du-Prince-Édouard comprend plus de 30 000 noms.

Compte tenu de cela et de l’incidence certaine de cette situation sur le recrutement et la rétention, pourquoi votre ministère n’étend‑il pas la couverture médicale des Forces armées canadiennes aux familles des militaires, comme le font les États‑Unis?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Je vous remercie, monsieur le sénateur. Comme vous le soulignez à juste titre, les membres des Forces armées canadiennes ne sont pas considérés comme des assurés selon la Loi canadienne sur la santé; ce sont les Forces armées canadiennes qui leur fournissent des services de santé. Je suis allé dernièrement à North Bay, où nous avons ouvert un nouveau centre médical offrant ces services. Il s’agit, selon moi, d’un investissement et d’une initiative d’une grande importance pour le soutien des militaires canadiens.

Toutefois, j’ai moi aussi entendu dire — je ne contredis pas du tout vos propos, sénateur — que les membres de la famille des militaires se retrouvent souvent sur une liste d’attente, à cause de la façon dont nous transférons les gens. Quand ils arrivent enfin dans le haut de la liste d’attente, ils sont transférés ailleurs. Cela crée un réel fardeau.

Je suis allé voir le ministre de la Santé hier. En ce moment, il y a des négociations en cours avec chaque province et territoire en vue d’apporter différentes améliorations aux services médicaux et aux mesures de soutien. J’ai demandé au ministre de prévoir, dans le cadre de ces discussions, des dispositions afin que les membres de la famille des militaires aient accès en priorité aux services de santé familiale, en raison des défis particuliers auxquels les militaires sont confrontés. Il m’a assuré que cela ferait partie des discussions avec nos partenaires provinciaux au sujet des améliorations qui seront apportées aux services médicaux partout au pays.

Monsieur le sénateur, je suis résolu à continuer de collaborer avec eux afin de soutenir les familles des militaires dans tous nos secteurs d’activité. L’une des grandes forces des Forces armées canadiennes est de savoir recruter les meilleurs éléments et de les conserver. Nous devons donc veiller à soutenir les familles des militaires.

Le sénateur Downe : Comme vous le savez, en vertu de la réglementation qui encadre les forces armées, vous avez le pouvoir ministériel de donner des ordres à ce sujet aux Forces armées canadiennes, comme pour toutes les autres circonstances prescrites par l’équipe responsable de la réglementation au sein de votre ministère. Vous pourriez d’ailleurs le faire immédiatement.

Ce qui me préoccupe, c’est que le gouvernement de l’Ontario, par exemple, accorde cette priorité, mais faut-il encore que les ressources nécessaires soient disponibles. Il n’y a tout simplement pas assez de médecins et d’infirmières au pays pour fournir ces services. À titre de ministre, vous pourriez utiliser votre pouvoir pour reproduire ce qui se fait aux États-Unis. Autrement dit, les membres de la famille des militaires pourraient être couverts par le système de soins de santé des Forces armées canadiennes. Est-ce une mesure que vous envisagez?

M. Blair : Je serais préoccupé par les répercussions sur les services que nous offrons aux membres des Forces armées canadiennes. Ces derniers ne sont pas des assurés au titre de la Loi canadienne sur la santé, sauf dans des circonstances exceptionnelles où les frais de consultation d’un spécialiste peuvent être couverts, par exemple. Cependant, je ne voudrais pas prendre des mesures qui risqueraient d’avoir une incidence quelconque sur les services importants qui sont fournis aux militaires. C’est pourquoi, monsieur le sénateur, je pense que la bonne chose à faire est plutôt de veiller à ce que les membres de leur famille soient traités en priorité et qu’ils aient accès aux services dans lesquels nous avons massivement investi d’un bout à l’autre du pays. Je ferais très attention avant de prendre une décision qui aurait une incidence sur les services limités que nous offrons aux membres des Forces armées canadiennes.

[Français]

La souveraineté dans l’Arctique

L’honorable Clément Gignac : Bienvenue, monsieur le ministre, et merci de votre service public, à la fois comme élu depuis 2015, et surtout pour vos 39 années de service au sein du Service de police de Toronto, plus précisément.

Comme on l’a déjà mentionné, en juin dernier, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a déposé un rapport au sujet de la sécurité de l’Arctique qui contenait 23 recommandations. Parmi ces recommandations, l’une mentionnait ceci :

Que le gouvernement du Canada ajoute, dans sa prochaine politique de défense, une section sur la connaissance du domaine sous-marin et les menaces sous-marines.

Cette section devait aussi présenter un plan afin que le gouvernement puisse remplacer rapidement les sous-marins canadiens actuels de classe Victoria par des sous-marins capables de mieux fonctionner dans l’Arctique.

Monsieur le ministre, avez-vous pris connaissance du rapport? Surtout, avez-vous l’intention de donner suite à cette recommandation afin d’assurer la souveraineté de l’Arctique?

[Traduction]

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Merci beaucoup, sénateur Gignac. Non seulement j’ai pris connaissance de la recommandation du comité sénatorial, mais j’ai également eu une longue conversation avec le vice-amiral Topshee au sujet du rôle important que joue la Marine royale canadienne pour assurer la sécurité et défendre la souveraineté dans l’Arctique. Il m’a dit que la flotte actuelle de sous-marins de la classe Victoria n’est pas entièrement adéquate et m’a communiqué clairement la nécessité d’investir de nouvelles sommes importantes pour que notre flotte de sous-marins ait la persistance voulue pour pouvoir demeurer suffisamment de temps dans la région, la furtivité voulue pour fonctionner de manière efficace, et lalétalité voulue pour pouvoir prendre les mesures nécessaires afin de protéger les intérêts du Canada dans la région. Je vous assure que le gouvernement considère cette demande avec sérieux et tiendra compte des besoins futurs de la Marine royale canadienne dans sa mise à jour de la politique de défense afin que les militaires disposent des outils dont ils ont besoin.

Nous participons à d’autres discussions, en particulier avec nos alliés, car il ne suffit pas d’avoir les bons navires et les bons outils, il faut également investir des sommes importantes pour doter ces bâtiments du matériel et des technologies nécessaires pour appuyer le travail essentiel de la Marine royale canadienne.

[Français]

Le budget consacré à la défense

L’honorable Clément Gignac : Le Conseil du Trésor veut vous imposer des restrictions budgétaires de l’ordre d’un milliard de dollars, ce qui a fait dire ceci au général Wayne Eyre : « Il est impossible de couper de près d’un milliard de dollars du budget de la défense sans qu’il y ait des impacts. »

Ma question est la suivante : ne croyez-vous pas que cette décision affecte le moral des Forces armées canadiennes et donne surtout l’impression que l’ajout de nouveaux programmes sociaux réclamés par le NPD semble une plus grande priorité pour le gouvernement que d’assurer la souveraineté de l’Arctique canadien ou de respecter nos engagements envers l’OTAN?

[Traduction]

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : La lettre que nous avons reçue du Conseil du Trésor indiquait clairement qu’il ne devait y avoir aucune incidence sur les capacités des Forces armées canadiennes ou sur le soutien que nous offrons aux familles des militaires. J’ai demandé que l’on examine, entre autres, les processus administratifs — les services professionnels pour lesquels nous avons des contrats, les déplacements des cadres supérieurs et des choses comme les rapports de consultation. Je pense qu’il incombe à chaque ministère de voir à bien dépenser l’argent des contribuables canadiens et d’être aussi efficace que possible. J’examine aussi les investissements que nous pouvons faire sur le plan de l’efficience et des économies au sein du ministère de la Défense nationale.

Le système d’approvisionnement militaire

L’honorable Leo Housakos : Monsieur le ministre, je suis certain que vous êtes au courant des enquêtes de la vérificatrice générale et de la Gendarmerie royale du Canada dans l’octroi de contrats relatifs à l’application « ArnaqueCAN ». Si vous n’êtes pas au courant, monsieur le ministre, il est grand temps de commencer à lire tous vos courriels.

L’un des deux dirigeants de Dalian Enterprises a comparu devant un comité de la Chambre. Il n’a pas pu expliquer ce que son entreprise fait pour votre gouvernement. C’est étrange, non seulement parce que cette entreprise n’a aucun employé, mais aussi parce que votre gouvernement continue de leur accorder de nombreux contrats. À lui seul, le ministère des Ressources naturelles a attribué à Dalian trois contrats distincts depuis mars dernier pour près de 10 millions de dollars. Le ministère de la Défense nationale utilise également les services de cette compagnie. En fait, on me dit que la majeure partie de la sous-traitance effectuée par Dalian est faite avec le ministère de la Défense nationale.

Monsieur le ministre, vous pouvez sans doute dire aux Canadiens ce que Dalian fournit au ministère de la Défense nationale. S’agit-il d’un autre exemple d’entreprise fantôme qui facture des frais aux contribuables au moyen d’un stratagème complexe de blanchiment d’argent qui profite aux initiés du gouvernement?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Je vous remercie, sénateur. Tout d’abord, je vous remercie de votre rappel, mais je lis mes courriels. Sénateur, il semble que vous soyez désorienté à propos de quelque chose, car je lis mes courriels.

Deuxièmement, je ne suis pas au fait des relations que le ministère de la Défense nationale entretient avec cette société, et si vous souhaitez nous adresser votre question, je veillerai à ce que ces renseignements vous soient fournis rapidement.

Le sénateur Housakos : Compte tenu de toutes les questions qui sont posées et de l’ouverture d’une enquête par la GRC et par la vérificatrice générale sur ce dossier, vous me dites que vous chercherez à obtenir ces renseignements. Combien de sociétés de sous-traitance gèrent des programmes du ministère de la Défense nationale? Par exemple, qui gère les services médicaux du ministère? La gestion de ces services est-elle assurée à l’interne ou est-elle confiée à des sous-traitants? Si elle est confiée à des sous-traitants, pouvez-vous nous dire à qui, monsieur le ministre? Lorsque vous sous-traitez des services de la Défense nationale, combien de contrats sont accordés sans appel d’offres ou par appel d’offres sélectif? Ce sont des questions auxquelles un ministre devrait pouvoir répondre facilement. Combien de contrats le ministère de la Défense nationale a-t-il octroyés à Dalian sans appel d’offres ou par appel d’offres sélectif?

(1520)

M. Blair : Il y a beaucoup d’éléments dans votre question, monsieur. Tout d’abord, sénateur, vous avez fait allusion à une enquête de la GRC. Je ne suis pas au courant des enquêtes qu’elle mène, et même si je l’étais, ce ne serait pas de l’information que je divulguerais publiquement.

Si vous avez des questions sur des contrats particuliers auxquels la Défense nationale pourrait être partie, je veillerai à ce que vous obteniez des réponses. Je n’ai pas de tels renseignements sous la main aujourd’hui, et je n’ai aucune connaissance directe des contrats que vous avez mentionnés. Je ne veux donc pas avancer des hypothèses. Je ne vous donnerais certes pas des renseignements dont je ne suis pas sûr.

Les Snowbirds des Forces canadiennes

L’honorable Denise Batters : Monsieur le ministre, les Snowbirds des Forces canadiennes sont un trésor national. La base d’attache de l’escadron de démonstration aérienne du Canada est la 15e Escadre Moose Jaw, dans ma province, la Saskatchewan. Les Snowbirds sont un puissant symbole non seulement de l’excellence militaire du Canada, une fière tradition, mais aussi de l’optimisme et de l’espoir qui unissent le pays.

L’année dernière, les Snowbirds célébraient leur 50e anniversaire, et un engagement du gouvernement du Canada est nécessaire afin de leur permettre de s’envoler pour les 50 prochaines années. Leurs avions Tutor doivent être remplacés d’ici 2030. Le gouvernement fédéral doit donc immédiatement établir un plan d’approvisionnement pour acheter de nouveaux avions.

En tant que ministre de la Défense, vous engagerez-vous aujourd’hui à verser un financement annuel permanent aux Snowbirds jusqu’en 2030 et au-delà? Vous engagerez-vous à établir un plan d’approvisionnement pour acheter de nouveaux avions dès maintenant?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Merci beaucoup, madame la sénatrice. J’ai vu les Snowbirds en action. Ils sont une fière tradition canadienne. Je sais qu’ils ont fait de très bonnes choses pour le Canada en faisant la promotion de leur excellent travail. Soit dit en passant, en 2024, on célébrera le 100e anniversaire de l’Aviation royale canadienne, et les Snowbirds seront un élément important de cette célébration.

Malheureusement, madame la sénatrice, je ne suis pas prêt à prendre d’engagement en ce qui concerne les dépenses futures. De toute évidence, des discussions sont en cours dans le cadre de l’important travail d’élaboration de la mise à jour de la politique de défense, et on examine toutes les diverses dépenses. Ma principale préoccupation est de veiller à ce que le gouvernement investisse dans la capacité des Forces armées canadiennes de remplir toutes les missions et tous les engagements que nous avons pris par l’entremise de l’OTAN, du NORAD, de la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, ici au pays et à l’étranger. C’est là-dessus que nous concentrons nos efforts.

Je sais bien qu’à un moment donné, la flotte d’avions des Snowbirds canadiens ne sera plus adaptée à l’usage prévu, et cela fait donc partie de notre examen. Cependant, je ne suis pas prêt à annoncer quelque dépense que ce soit tant que ce travail ne sera pas terminé.

La sénatrice Batters : Monsieur le ministre, il est impératif que le gouvernement du Canada prenne un engagement à l’égard des Snowbirds. Les Snowbirds contribuent énormément à promouvoir les Forces armées canadiennes auprès du public et à encourager le recrutement en cette période où les effectifs sont en baisse. La capitaine Caitlyn Clapp, aujourd’hui pilote du Snowbird 2, a commencé à rêver de devenir pilote de Snowbird à l’âge de 12 ans, lorsqu’elle a vu les prouesses de cette équipe formidable, alors dirigée par la commandante Maryse Carmichael, première femme à avoir piloté un Snowbird. Étant donné que des reportages dans les médias révèlent que votre gouvernement compte réduire le budget du ministère de la Défense nationale de 1 milliard de dollars, vous engagerez-vous dès aujourd’hui à ne jamais sacrifier les Snowbirds, auxquels nous tenons tant au Canada?

M. Blair : Encore une fois, je pense que les Snowbirds sont un exemple remarquable, et je sais à quel point ils sont importants pour les Canadiens. J’ai assisté également à ces spectacles. Je pense que cet escadron fait un travail remarquable pour nous. Encore une fois, en ce qui a trait aux décisions sur les dépenses en matière de défense, nous nous penchons sur les dépenses que nous devons faire afin de maintenir les capacités militaires qui nous permettent de mener à bien les missions que nous nous sommes engagés à remplir, et pour veiller à ce que les Forces armées canadiennes puissent continuer de servir les Canadiens, que ce soit au Canada ou à l’étranger. Nous discutons de tout cela.

Ce que je ne prévois pas de faire, en ce qui concerne la demande du Conseil du Trésor de se pencher sur les services professionnels, de mener des consultations et...

Son Honneur la Présidente : Merci, monsieur le ministre.

Les conjoints des anciens combattants—Les prestations de survivant

L’honorable Bev Busson : Monsieur le ministre, je suis ravie de vous revoir. Depuis que je suis une ancienne combattante, et depuis bien plus longtemps, une politique d’Anciens Combattants Canada prévoit qu’un conjoint d’un vétéran n’est pas admissible aux prestations de survivant du vétéran lorsque ce dernier s’est marié après 60 ans.

Le gouvernement a reconnu depuis longtemps cette injustice et fait fi aujourd’hui de la longévité des relations, qui sont souvent marquées par de tendres soins fournis aux anciens combattants pendant leurs vieux jours. Cette politique misogyne a été appelée la disposition relative aux « mariages intéressés » et elle s’applique aux vétérans de la GRC et des Forces armées canadiennes.

Monsieur le ministre, encouragerez-vous le gouvernement à corriger cette disposition nuisible et archaïque?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Merci beaucoup, sénatrice. En prévision de votre question, j’ai demandé des notes, mais elles sont beaucoup trop longues et je n’ai vraiment pas assez de temps pour vous les lire.

Tout d’abord, j’admets connaître cette disposition de la loi. Je tiens également à souligner que le Comité permanent des anciens combattants a déposé un rapport et que la ministre des Anciens Combattants a fourni une réponse à ce sujet que nous avons appuyée. Je crois qu’il y a un programme, qui est maintenant géré par Anciens Combattants Canada, qui prévoit 150 millions de dollars sur cinq ans pour aider les anciens combattants et leurs conjoints qui se sont mariés après l’âge de 60 ans.

Je comprends pourquoi les gens sont préoccupés. Pour tout dire, mon épouse et moi venons de fêter notre 46e anniversaire. Je crois donc au mariage après 60 ans. Je connais les circonstances dont vous parlez ici. Nous voulons que tous nos anciens combattants soient traités de manière appropriée et équitable. Je suis conscient des préoccupations que vous avez soulevées au sujet de cette disposition et, autant que je sache, nous sommes déterminés à continuer à travailler avec le ministère des Anciens Combattants. Soit dit en passant, je sais que c’est la responsabilité du ministère de la Défense nationale. Nous appliquons la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, qui inclut cette disposition. Nous travaillons avec le ministère des Anciens Combattants pour veiller à ce que tout le monde soit traité comme il se doit.

La sénatrice Busson : Merci, ministre Blair. Comme vous le savez, de nombreux conjoints, hommes et femmes, sont aux prises avec des difficultés financières et même avec l’itinérance à cause de cette règle. J’espère que vous prendrez l’engagement personnel de veiller à ce que le gouvernement et Anciens Combattants Canada s’occupent adéquatement de cette question.

Le recrutement—La diversité

L’honorable Tony Loffreda : Monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous parliez davantage de vos efforts pour que la culture change dans les Forces armées canadiennes ainsi que des efforts déployés pour y améliorer la diversité. Vous avez dit que la question était importante et qu’elle méritait plus de temps.

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : Merci, monsieur. J’aimerais parler de certaines des mesures que nous avons pu prendre. J’ai communiqué avec la juge Arbour. Je voulais comprendre non seulement sa recommandation, mais aussi, à vrai dire, quel en était le raisonnement. Nous avons eu l’occasion de discuter longuement. Cette discussion m’a été utile parce que nous avons parlé de certains des obstacles auxquels se heurtent actuellement les militaires canadiens, et nous avons pu donner suite rapidement à certaines de ces recommandations.

Par exemple, il y avait auparavant une règle qui exigeait qu’un militaire canadien épuise tous les autres recours, comme la procédure de règlement des griefs, avant de pouvoir s’adresser à la Commission canadienne des droits de la personne pour déposer une plainte. Or, nous avons levé cette exigence afin que les militaires canadiens, à l’instar de tous les autres Canadiens, puissent s’adresser directement à la Commission canadienne des droits de la personne pour déposer une plainte.

Je devais également comprendre la recommandation de la juge Arbour en ce qui concerne l’obligation de signaler. La juge Arbour a recommandé d’éliminer cette obligation qui crée un fardeau injuste pour de nombreuses victimes de discrimination et de harcèlement au sein des Forces armées canadiennes. Après m’être entretenu avec la juge Arbour, je suis revenu auprès des fonctionnaires de mon ministère et je leur ai dit qu’il y avait davantage de situations problématiques. La juge Arbour a fait cette recommandation pour les cas de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle, mais nous avons constaté qu’il y avait d’autres formes de discrimination, notamment le racisme, dont un membre des forces armées pouvait faire l’objet. Par conséquent, nous avons éliminé l’obligation de signaler dans toutes les situations, et pas uniquement dans les cas où la juge le recommande.

Le sénateur Loffreda : Monsieur le ministre, votre principale préoccupation porte-t-elle sur le recrutement? Dans quelle mesure le renouvellement de la flotte constitue-t-il une tâche pressante ou ardue étant donné les compressions budgétaires?

(1530)

M. Blair : Tout d’abord, je ne me préoccupe pas seulement du recrutement, car nous devons attirer les meilleurs talents, mais également de la rétention du personnel, car les membres des Forces armées canadiennes sont des hommes et des femmes extraordinaires. Je tiens à m’assurer que nous leur apportons le soutien nécessaire en matière de logement, de garde d’enfants, de soins de santé, et cetera, mais il est également important de créer un milieu de travail respectueux, inclusif et sûr.

Nous devons accorder la priorité à tous ces aspects.

Vous avez mentionné notre flotte. Il est important de s’assurer que les militaires ont accès à l’équipement et au matériel dont ils ont besoin, et dans le cas d’une flotte vieillissante, par exemple, à des véhicules motorisés ou à des plateformes aériennes...

Son Honneur la Présidente : Je vous remercie, monsieur le ministre.

Le renouvellement des équipements

L’honorable Dennis Glen Patterson : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre.

En tant que sénateur du Nunavut, je suis préoccupé par la nécessité urgente de remplacer nos légendaires avions Aurora, acquis en 1980. Ils nous ont permis de surveiller rigoureusement les côtes de l’Arctique, mais ils arrivent à la fin de leur durée de vie utile. D’après Services publics et Approvisionnement Canada, le P-8 Poseidon est le seul appareil actuellement disponible qui répond à toutes les exigences opérationnelles des aéronefs multimissions du Canada. Il convient de souligner que nos partenaires du Groupe des cinq ainsi que nos alliés de la région indo-pacifique utilisent déjà le P-8. Comme vous le savez, l’interopérabilité est un aspect primordial.

Ma question est la suivante : la lettre d’offre d’achat de ces appareils modernes et indispensables arrivera à échéance le 30 novembre 2023. Quand le gouvernement va-t-il la signer?

L’honorable Bill Blair, c.p., député, ministre de la Défense nationale : C’est une question importante. Elle occupe une large part de nos réflexions actuelles.

Le remplacement des aéronefs multimissions est une priorité. La flotte actuelle de CP-140 en service arrive à la fin de sa durée de vie utile. Bien que les équipages qui les pilotent soient parmi les meilleurs au monde, nous devons nous assurer qu’ils disposent de la plateforme adéquate pour accomplir leur travail important.

Ces appareils jouent un rôle très important dans la détection des sous-marins et dans les opérations de recherche et de sauvetage dans le Nord. Comme je l’ai dit, ce sont des aéronefs à missions multiples.

Pour le moment, monsieur le sénateur, la décision n’a pas été prise. Les déclarations que vous avez mentionnées et que nous avons entendues en ce qui concerne l’évaluation de l’un de ces avions sont exactes, et ces renseignements ont été communiqués. J’ai également rencontré d’autres représentants de l’industrie aéronautique. Il s’agit d’une décision importante qu’il faut prendre sans tarder. Le travail se poursuit de manière urgente. Lorsque la décision sera prise, nous pourrons l’annoncer. Je ne suis pas prêt à faire une telle annonce aujourd’hui.

Le sénateur D. Patterson : La sécurité et la souveraineté dans l’Arctique sont au cœur des préoccupations de bon nombre de Canadiens qui portent une attention particulière à la politique sur l’Arctique. Les questions posées aujourd’hui le montrent bien. Les États-Unis, nos alliés, surveillent de près comment nous menons le dossier de la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, le NORAD. Je connais le plan en plusieurs points élaboré par votre gouvernement, qui décrit la façon de procéder, mais il est maintenant temps de s’occuper de l’approvisionnement. Les hangars de notre emplacement d’opérations avancé dans le Nord sont maintenant trop petits pour accueillir les F-35 que votre gouvernement s’est engagé à acheter. De plus, il faut rallonger les pistes d’Iqaluit, de Rankin Inlet et du Nunavik pour qu’elles conviennent aux F-35.

Comme beaucoup d’entre nous, j’aimerais savoir quelle part de la somme promise de 38,6 milliards de dollars votre gouvernement a dépensée à ce jour, et combien de contrats ont été soumis avec succès à un appel d’offres.

M. Blair : Il est juste de dire, monsieur le sénateur, que nous n’avons pas fait beaucoup de progrès pour ce qui est de dépenser ces fonds, mais de très importants travaux sont en cours pour déterminer à quoi il convient de les consacrer. Comme vous le savez, il ne s’agit pas seulement de faire un chèque. Il doit y avoir des consultations approfondies — et elles ont lieu — avec les gouvernements territoriaux et les gouvernements autochtones, les gouvernements inuits et ceux des Premières Nations afin de s’assurer que les investissements sont utiles aux communautés.

Je me suis moi-même rendu dans la région; j’y suis allé avec vous. Il y a une chose qu’on m’a dite clairement: la souveraineté, c’est bien plus qu’un avion qui survole la région ou qu’un navire qui passe dans le coin. En fait, il faut investir dans des infrastructures polyvalentes qui, en plus de profiter aux communautés locales, les soutiennent dans leur contribution au travail des Forces armées canadiennes pour assurer la présence et la souveraineté...

[Français]

Son Honneur la Présidente : Merci, monsieur le ministre.

Honorables sénateurs, le temps alloué à la période des questions est écoulé.

[Traduction]

Je suis certaine que vous vous joindrez à moi pour remercier le ministre Blair de sa présence parmi nous aujourd’hui.

[Français]

Nous reprenons maintenant les délibérations interrompues au début de la période des questions.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution), tel que modifié.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution).

Je voudrais commencer par vous raconter l’histoire de Shawn Rehn et vous avertir que les histoires que je vais raconter aujourd’hui seront difficiles à entendre.

Shawn Rehn n’avait que 15 ans lors de sa première condamnation au criminel pour agression. Il avait 18 ans quand il a purgé sa première peine d’emprisonnement : 60 jours pour introduction par effraction et vol. Au cours des 16 années suivantes, son casier judiciaire s’est considérablement alourdi : conduite dangereuse; possession de biens volés; vol avec effraction; entreposage négligent d’une arme à feu; conduite pendant interdiction; refus de fournir un échantillon d’haleine; évasion d’une garde légale. On parle ici de dizaines d’inculpations et de dizaines de condamnations.

Or, la peine d’emprisonnement la plus longue que M. Rehn ait jamais reçue était de cinq ans. Il en a seulement purgé trois parce qu’on a défalqué le temps passé en détention sous garde. Sa dernière condamnation était en 2013. Il a été reconnu coupable d’agression, mais il est seulement resté une journée derrière les barreaux, car il avait passé presque deux semaines en détention avant son procès.

Pourtant, la Commission des libérations conditionnelles du Canada ne se faisait certainement pas d’illusions au sujet de M. Rehn. Je la cite :

La commission estime que vous êtes une personne dangereuse qui a fait preuve d’un mépris flagrant à l’égard du système de justice pénale et d’un manque de respect à l’égard du public en général […] Vous commettez continuellement des crimes, qui deviennent de plus en plus graves et qui, souvent, font subir à vos victimes des préjudices psychologiques, des souffrances émotionnelles et des pertes financières graves.

Vos attitudes, vos valeurs et vos croyances vous portent à la criminalité et elles sont profondément ancrées. […] Les peines préalables n’ont eu aucun effet pour vous réadapter ou vous dissuader de perpétrer d’autres crimes.

Puis, par un froid samedi de janvier 2015, Shawn Rehn, un criminel de 34 ans en liberté sous caution, a fait feu sur David Wynn, un agent de la GRC de 42 ans, et Derek Bond, un agent auxiliaire de 49 ans, au casino Apex de St. Albert, une banlieue paisible au nord d’Edmonton. L’agent Bond s’est rétabli physiquement, mais il a souffert d’un grave traumatisme émotionnel qui l’a rendu inapte au travail pendant des années par la suite. L’agent Wynn est décédé le jour même, à l’hôpital.

Qu’a fait Shawn Rehn après avoir perpétré ces crimes? Il s’est enfui à toute vitesse au volant d’un véhicule volé, est entré par effraction dans une résidence inhabitée et s’est suicidé.

Pourquoi une mise en liberté sous caution avait-elle été accordée à Rehn au départ? C’est la réponse que tout le monde exigeait. Dans la foulée de cette tragédie épouvantable, le gouvernement de l’Alberta a lancé une enquête publique sur le système de libération sous caution de la province. Cette enquête a été présidée par Nancy Irving, ancienne avocate générale du Service des poursuites pénales du Canada.

En 2015, les audiences pour les enquêtes sur le cautionnement se déroulaient habituellement sans avocat, en Alberta. Des policiers n’ayant pas la formation d’un avocat jouaient le rôle de procureurs dans 99 % de toutes les demandes de mise en liberté sous caution. L’accusé n’était pas représenté par un avocat. Dans son rapport d’enquête, Nancy Irving avait conclu que seulement de 7 % à 10 % des contrevenants arrêtés par le service de police d’Edmonton étaient représentés par un avocat lors de leur audience devant un juge de paix pour demander une mise en liberté sous caution.

À l’époque, en Alberta, il n’y avait pas d’aide juridique pour les audiences initiales de libération sous caution, alors 90 % des personnes arrêtées devaient se défendre elles-mêmes.

Pire encore, en 2015, les policiers chargés de la présentation des cas n’avaient pas de moyen fiable d’accéder au casier judiciaire de l’accusé. Le policier présent lors des audiences de libération sous caution de Shawn Rehn n’avait pas accès au dossier de l’accusé. Cette situation n’était pas rare. Selon le rapport Irving, dans bien des situations, les policiers chargés de la présentation des cas, qui n’avaient pas de formation d’avocat, ne savaient même pas qu’ils pouvaient exiger la révocation de la libération sous caution pour une personne comme M. Rehn, que l’on soupçonnait d’avoir commis d’autres crimes pendant qu’il était en liberté sous caution.

Après la publication du percutant rapport Irving, en avril 2016, le gouvernement Notley a apporté de véritables changements dans le système de libération sous caution. On a alors cessé de faire appel à des policiers pour s’opposer aux demandes de libération sous caution, et on a confié ce rôle aux procureurs. On a commencé à mettre un avocat de l’aide juridique à la disposition de toute personne demandant une libération sous caution, et ce, partout dans la province. Ainsi, la Couronne et l’avocat de service étaient assurés d’avoir accès aux casiers judiciaires.

Ce sont des changements concrets et pleins de bon sens qui ont contribué à mieux protéger la collectivité ainsi que les droits de l’accusé. Ils ont contribué à faciliter l’administration du système de libération sous caution et à le rendre plus transparent et plus équitable pour toutes les personnes concernées. Bref, ils ont servi la cause de la justice en général. Pourtant, si vous demandez aujourd’hui à des Albertains ce qu’ils retiennent vraiment de toute cette affaire, la plupart vous diront qu’un policier a été tué dans l’exercice de ses fonctions par un homme ayant été mis en liberté sous caution. C’est le genre de souvenir sombre qui hante notre société. Quels que soient les changements positifs apportés subséquemment, il subsiste dans l’esprit des gens cette impression que notre régime de mise en liberté sous caution est défaillant et qu’il rend notre pays plus dangereux.

(1540)

Par conséquent, sur quoi devrions-nous mettre l’accent en matière de politiques publiques : des changements qui améliorent notre régime de mise en liberté sous caution et le rendent plus sûr, ou des changements qui donnent l’impression que nous serrons la vis aux criminels, mais qui, en réalité, ne font rien pour mieux nous protéger? Chers collègues, voilà le problème en ce qui concerne le projet de loi C-48. Il ne s’agit pas d’une réforme du régime de mise en liberté sous caution. C’est du cinéma pour faire croire qu’on sévit contre la criminalité. Certes, les 10 provinces et les trois territoires appuient le projet de loi à l’unanimité. Certes, la Chambre des communes l’a adopté par consentement unanime. Hélas, cela n’en fait pas une bonne politique publique.

Comme nous l’avons entendu, le projet de loi renverse le fardeau de la preuve dans les demandes de mise en liberté sous caution pour une poignée de crimes et de circonstances que le gouvernement a jugés particulièrement odieux. Que signifie ce renversement du fardeau de la preuve? Normalement, les gens se voient accorder une mise en liberté sous caution, souvent assortie de conditions strictes, et il revient traditionnellement à la Couronne de prouver pourquoi une personne devrait se voir refuser la mise en liberté sous caution. La Couronne dispose de toutes sortes de ressources pour faire valoir ses arguments. C’est la Couronne qui doit présenter ces arguments et assumer la responsabilité de les faire valoir.

Renverser le fardeau de la preuve signifie que les défendeurs doivent prouver pourquoi ils méritent une libération sous caution, et ils ne seront pas libérés jusqu’à ce qu’ils puissent le faire. Cela met le fardeau sur les personnes qui n’ont pas le pouvoir et les ressources de l’État derrière elles. Le résultat final sera de faire peser le poids de la justice contre les personnes qui ne sont peut‑être pas équipées pour se défendre elles-mêmes, ce qui, vraisemblablement, fera en sorte qu’un plus grand nombre de personnes se verront refuser la mise en liberté sous caution et seront détenues dans des centres de détention provisoire surpeuplés en attendant leur procès.

Pas plus tard que cette semaine, le Globe and Mail a publié une enquête peu réjouissante qui portait exactement sur ce problème L’enquête a révélé que, en Ontario, seuls 15,9 % des détenus des établissements carcéraux provinciaux avaient été reconnus coupables d’un crime, que 80,4 % étaient en détention provisoire et que 3,7 % étaient en détention pour des motifs liés à l’immigration ou en garde à vue. En Alberta, les choses n’étaient guère mieux. Là‑bas, 77 % des détenus des établissements carcéraux provinciaux n’avaient pas été reconnus coupables ou condamnés. En Colombie‑Britannique, ce pourcentage atteint 74 %. La situation a complètement changé comparativement à il y a 25 ou 30 ans, où le pourcentage de détenus en détention provisoire au Canada oscillait entre 23 % et 30 %.

Le projet de loi C-48 ne fera qu’empirer les choses, en particulier pour ceux — souvent des Autochtones ou des personnes racialisées — qui n’ont pas l’argent ou qui n’ont pas une vie assez stable pour obtenir une mise en liberté sous caution ou pour respecter les conditions d’une telle mise en liberté.

Dans le contexte du système de mises en liberté sous caution actuel, les juges de la paix et les juges ont déjà la possibilité de refuser une mise en liberté sous caution lorsque l’accusé risque de tenter de s’enfuir ou représente un risque pour la sécurité publique ou lorsqu’une telle mise en liberté serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Concrètement, le projet de loi C-48 n’accorderait aux juges de la paix et aux juges aucun nouveau pouvoir et il ne rendrait pas les rues et les quartiers du pays plus sûrs.

Néanmoins, une véritable réforme de la mise en liberté sous caution est nécessaire au Canada. Nous devons veiller à ce que les personnes libérées sous caution bénéficient du soutien et de la surveillance dont elles ont besoin pour respecter les conditions de leur mise en liberté sous caution et qu’elles ne représentent pas un danger pour l’ensemble de la collectivité. D’un point de vue pratique ou constitutionnel, nous ne pouvons pas refuser la mise en liberté sous caution à toutes les personnes accusées d’un crime ou susceptibles de représenter une menace. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’un système de mise en liberté sous caution efficace qui garantit que les personnes en liberté sous caution respectent les conditions de leur libération et qu’elles ne représentent pas un risque pour le public ou leur famille.

Laissez-moi vous raconter une autre histoire, plus récente.

Le 29 avril 2022, un jeune homme nommé Justin Bone a été libéré sous caution du Centre de détention provisoire d’Edmonton. Il avait été accusé d’introduction par effraction. Entre 2005 et 2018, M. Bone avait accumulé plus de 30 condamnations, allant du non‑respect d’ordonnances du tribunal à l’évasion d’une garde légale, en passant par l’agression armée, le vol qualifié et les contacts sexuels.

Selon les conditions de sa mise en liberté sous caution, il devait vivre à Alberta Beach, un petit village à l’ouest d’Edmonton, avec son répondant, un ami de la famille qui avait accepté de le superviser. Les conditions de sa mise en liberté sous caution précisaient qu’il ne devait jamais se trouver à Edmonton sans surveillance. Il était également censé fréquenter un centre de traitement de la toxicomanie, mais il n’a apparemment pas pu le faire parce qu’on n’acceptait plus personne dans le programme faute de places.

Le 15 mai, l’ami avec qui Bone vivait — son garant — a appelé le détachement de la GRC de Parkland pour signaler que Bone était devenu menaçant et violent. Le garant a dit que Bone ne pouvait plus rester chez lui. La GRC aurait pu arrêter Bone de nouveau et l’accuser d’avoir enfreint les conditions de sa mise en liberté sous caution. Au lieu de cela, des agents de la GRC ont fait une virée de 70 kilomètres en voiture pour conduire Bone à Edmonton, où ils se sont contentés de le déposer.

Trois jours plus tard, le 18 mai 2022, deux hommes qui travaillaient dans le quartier chinois d’Edmonton, Hung Trang, 64 ans, et Ban Phuc Hoang, 61 ans, ont été agressés et brutalement battus lors de deux attaques distinctes. Hung Trang avait travaillé dans un atelier de carrosserie local bien connu. Ban Phuc Hoang était propriétaire d’un magasin d’électronique. M. Hoang est mort sur les lieux de l’agression. M. Trang est décédé le lendemain à l’hôpital. Justin Bone a été arrêté et a été l’objet de deux chefs d’accusation de meurtre au deuxième degré.

Après la tragédie survenue à Edmonton, le maire de la ville, Amarjeet Sohi, a déclaré ceci :

Cette personne n’aurait jamais dû être libérée du centre de détention provisoire sans qu’un plan adéquat ait été mis en place en matière de logement et d’accès aux services de traitement.

Ce sont des mots qui s’appliquent dans toutes les collectivités du Canada, grandes et petites. Notre système de mise en liberté sous caution ne peut pas fonctionner si on libère des gens en leur imposant des conditions qu’ils ne peuvent pas respecter.

Pas plus tard qu’en juillet dernier, Rukinisha Nkundabatware, un homme de 52 ans, père de sept enfants, a été poignardé à mort à la station de train léger Belvedere, à Edmonton. Le service de police d’Edmonton a arrêté Jamal Joshua Malik Wheeler, âgé de 27 ans, et l’a accusé de meurtre au deuxième degré. Les dossiers des tribunaux montrent que M. Wheeler avait un lourd casier judiciaire, y compris des condamnations pour voies de fait, prise de possession par la force et vol qualifié.

Selon une lettre ouverte que le maire Sohi a adressée au ministre de la Justice de l’époque, David Lametti, l’accusé était en liberté sous caution à la condition d’être en détention à domicile sans possibilité de sortie. Selon le maire, le suspect était plutôt sans abri et il vivait dans des conditions difficiles, dans une tente non loin de la station de train léger. Je cite à nouveau le maire Sohi :

J’ai du mal à comprendre pourquoi une personne susceptible de représenter un risque pour autrui a été relâchée dans notre ville sans qu’aucun plan ait été mis en place pour s’assurer qu’elle ne récidive pas.

Si nous voulons vraiment réformer la mise en liberté sous caution, nous devons mettre en place des systèmes qui garantissent que les personnes libérées sous caution — en particulier celles qui ont de graves problèmes de santé mentale et de toxicomanie — ne sont pas simplement abandonnées au milieu d’une ville sans soutien, sans surveillance et même sans endroit où dormir. Nous devons veiller à ce que les personnes mises en liberté sous caution ne soient pas vouées à l’échec ou laissées sans surveillance au risque de blesser quelqu’un. Nous devons veiller à ce que les centres de traitement et les places pour les personnes en liberté sous caution soient correctement financés. Nous devons veiller à ce que les procureurs de la Couronne, les avocats de l’aide juridique, les juges de paix et les juges des tribunaux disposent des ressources nécessaires pour bien faire leur travail. Nous devons restaurer la confiance du public dans notre système de mise en liberté sous caution, en commençant par mieux expliquer pourquoi les gens sont libérés sous caution. L’administration de la justice ne doit pas être une sorte de concours de popularité où nous adoptons des politiques douteuses simplement parce que les gens sont en colère, et nous ne devons pas non plus faire adopter des projets de loi en exploitant les craintes des Canadiens.

Aujourd’hui, je vous ai raconté trois histoires terribles et à glacer le sang concernant des mises en liberté sous caution qui ont mal tourné. Par contre, vous n’entendrez jamais parler des milliers d’histoires de personnes qui ont été mises en liberté sous caution sans problème, qui se sont présenté au tribunal lorsqu’elles devaient le faire et qui ont été acquittées ou ont purgé leur peine. Nous nous souvenons des histoires d’horreur parce qu’elles sont la source de nos cauchemars. Si nous devons nous fonder sur ces terribles exceptions pour élaborer nos politiques publiques, faisons en sorte d’en tirer les bonnes leçons, et non les mauvaises.

Au Canada, nous nous souvenons probablement de lord Sankey pour sa décision dans l’affaire « personne », lorsqu’il a déclaré que les femmes étaient des personnes et que la Constitution du Canada était comme un arbre vivant, capable de croissance et de changement. Il vaut aussi la peine de répéter les remarques de lord Sankey au sujet du renversement du fardeau de la preuve en common law :

Peu importe la nature de l’accusation ou le lieu du procès, le principe obligeant la poursuite à prouver la culpabilité du prévenu est consacré dans la common law d’Angleterre et toute tentative d’y porter atteinte doit être repoussée.

Bien entendu, une audience sur le cautionnement n’est pas un procès. Les seuils ne sont pas les mêmes, mais le principe qui est au cœur de notre système de justice demeure. Le projet de loi C-48 édulcore légèrement notre traditionnelle et chère présomption d’innocence. Il effiloche le fil d’or qui sert de trame à la common law. Et il fait tout cela sans fournir au Canada la réforme dont il aurait besoin, en matière de mise en liberté sous caution, pour assurer la sécurité au pays. Merci, hiy hiy.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1550)

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(À 15 h 51, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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